Login

Grande-Synthe, pionnière de la gestion écologique

Forte de presque 500 hectares d’espaces verts et de nature, la ville du Nord garde ses 4 Fleurs et a même décroché à plusieurs reprises une fleur d’or. Depuis les années 70, gestion naturelle et fleurissement soutenu se côtoient.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Au départ simple vil­lage de maraîchers sur un ancien cordon dunaire, à la suite de l’extension du port de Dunkerque* Grande-Synthe (59) s’est considérablement agrandie. De 2 000 habitants dans les années 60, la ville en compte plus de 20 000. Complètement rasée durant la Première Guerre mondiale, il ne reste aucun patrimoine bâti. La seule alternative pour lui construire une identité était le végétal.

Pour garantir des aires de respiration et préserver les populations des zones­ industrielles, de nombreuses surfaces ont été consacrées aux espaces verts et naturels. Avec près de 130 m² de verdure pour chaque habitant, Grande-Synthe est une ville nature. Elle a d’ailleurs été élue en 2010 Capitale française de la biodiversité lors de la toute première édition et de nouveau primée dans sa catégorie en 2018 pour la création de la réserve naturelle régionale.

La nécessité d’une gestion différenciée

Yves Caestecker, chef du service des espaces verts de la Ville, avait commencé dès les années 70 à les gérer de manière naturelle. À cette époque, on ne parlait pas encore de gestion écologique. Et comme ces surfaces étaient vastes, il n’était pas possible de tout gérer finement en fleurissement. Une gestion différenciée s’est imposée, avec des espaces très plantés et fleuris et certains où les interventions sont le plus minimes possible. Le responsable des espaces verts a continué dans cette voie jusqu’à son décès en mars dernier. Depuis les années 90, Édith Dhainne et son équipe sont venues le seconder pour accentuer l’instauration d’une gestion écologique des espaces verts et naturels.

Des périphéries en gestion naturelle, un centre fleuri

Le Puythouck, le « coin aux grenouilles » en flamand, est un espace protégé de 130 hectares conçu dans les années 70, avec trois hectares de verger pédagogique. Un plan de gestion y concilie préservation de la nature et activités de loisirs. Le boisement de la ville est complété par les Grand et Petit Prédembourg, qui s’étalent sur plus de 80 hectares.

Viennent ensuite les zones de transition, issues de l’alliance de massifs horticoles et de fleurs sauvages. C’est par exemple le cas de certaines bordures de parcs, de la ceinture verte qui entoure la ville ou bien encore des aménagements le long de canaux.

Et, en centre-ville, sont présents des espaces verts fleuris conduits en gestion raisonnée. Ils sont constitués de massifs fleuris et d’arbustes taillés. « Les habitants tiennent à leurs mosaïques et ne veulent surtout pas que ça change », assure Édith Dhainne. L’objectif est d’avoir un fleurissement attrayant à chaque saison. La ville a d’ailleurs 4 Fleurs depuis 1991. Le jury devait repasser en 2021, mais la commune a demandé un report pour 2022. Mais si les espaces sont fleuris et finement entretenus, ils le sont de la manière la plus naturelle qui soit, et le sans- phyto est une règle depuis 1995. Même les cimetières et terrains de sport se passent de pesticides depuis plusieurs années. « Tout n’a pas été fait d’un coup, ça demande du temps », rappelle la gestionnaire des espaces verts et de nature.

Une biodiversité accrue

Les zones naturelles de Puythouck et des Prédembourg sont riches en biodiversité. L’ensemble du site recèle 306 taxons en ce qui concerne la flore, dont sept espèces protégées et 37 espèces patrimoniales. Cette richesse floristique est liée à la présence de pelouses sableuses ainsi que de milieux humides. Les champignons y sont très nombreux. L’inventaire de la fonge au Puythouck montre une grande diversité, avec 169 espèces inventoriées dont treize sur la liste rouge nationale et neuf d’ordre patrimonial.

Le site présente également un grand intérêt écologique pour les oiseaux. C’est un lieu de halte lors des migrations et de nidification, grâce à des zones arbustives denses, des boisements et des milieux humides. Parmi les 66 espèces nicheuses recensées, 57 sont strictement protégées, deux sont déterminantes dans le cadre­ de la modernisation des Znieff(les zones naturelles d’intérêt éco­logique, faunistique et floristique), sept sont nouvelles sur la liste na­tionale et neuf sont sur la liste rouge régionale.

Cinq espèces d’amphibiens s’y rencontrent, comme le crapaud calamite dans les mares de la grande zone humide sablonneuse. Pour les insectes, sont recensées dix-sept espèces d’odonates (libellules), trente de rhopalocères (papillons de jour), seize d’hétérocères (papillons de nuit) et huit espèces d’orthoptères (criquets, sauterelles...). Trois es­pèces de chiroptères, dont le murin des marais, la chauve-souris la plus rare de France, sont présentes.

Des suivis de la faune et de la flore sont effectués très régulièrement. « Grâce aux “suivis papillons” mis en place avec certains agents, il est possible de remarquer­ dans quels endroits il y a davantage de biodiversité », apprécie Édith Dhainne. Ainsi les espaces peuvent être dif­férenciés. En effet, si gestion écologique il y a, il n’est pas pour autant question de faire de la prairie de fauche­ partout, mais d’adapter les pratiques aux milieux.

Une dimension sociale des jardins

La Ville de Grande-Synthe est également très investie dans l’économie circulaire ainsi que l’autonomie alimentaire. De nombreux jardins ouvriers et partagés sont mis à dispo­sition des habitants. Ils rencontrent depuis plusieurs années un franc succès. L’équipe des espaces verts cherche toujours de nouveaux lieux pour en proposer davantage. Des terrains sont également prêtés à des associations. C’est le cas de La Forêt qui se mange, dont les membres se mobilisent pour la création d’une zone boisée d’espèces comestibles de 5 300 m². En parallèle, la Ville plante de nombreux arbres fruitiers sur tout son territoire, afin de créer un verger en libre accès.

Si la commune est considérée aujourd’hui comme un modèle pour la gestion écologique des espaces verts, tout ne s’est pas fait du jour au lendemain, note Édith Dhainne. Quand ces pratiques ont été mises en place, les habitants ne comprenaient pas toujours la démarche. « On nous a demandé si la tondeuse était en panne », se souvient ainsi l’écologue. Certains pensaient que ce ne serait qu’une mode éphémère. Le temps a donné raison à Grande-Synthe.

Actuellement, il semble illusoire pour n’importe quelle ville, quelle que soit sa taille, de faire du fleurissement horticole et un entretien très fin dans tous ses espaces verts. Non seulement cela demande beaucoup de temps et d’argent, mais les études sur la biodiversité et le ser­vice de pollinisation sont en faveur d’une gestion plus douce (lire pages 30-31). C’est dans ce sens que la municipalité continue de créer de nouvelles zones de verdure !

Léna Hespel

*Le port de Dunkerque constitue une zone industrielle d’un seul tenant qui s’étend jusqu’à Grande-Synthe et lui coupe même l’accès à la mer.

- De nombreux jardins ouvriers et partagés sont mis à disposition des habitants. Ici, le jardin populaire Pierre-Rabhi.

© Photos L. HESPEL - Grande-Synthe (59) est classée 4 Fleurs depuis 1991. L’objectif est donc d’avoir un fleurissement attrayant à chaque saison. Des tests de mélanges sont effectués régulièrement pour l’année suivante. Photos L. HESPEL

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement